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L’idée de cette première illustration de cas, m’est venue suite à une discussion sur la prise en charge de la pathologie de l’épaule avec un collègue physiothérapeute pas plus tard qu’hier.
Ma spécialisation en échographie, m’ammène à consulter un certain nombre de patients avec des douleurs articulaires périphériques , dont une bonne partie concerne l’épaule. Cette semaine nous avons revu Mr K, consulté 8 semaines plus tôt ….et qui nous disait alors :
Mr K : « Docteur je viens vous voir car j’ai une tendinite de l’épaule qui ne passe pas depuis 4 mois, malgrè plusieurs traitements ».
Dr F : « Avez vous réalisé une imagerie de votre épaule ? »
Mr K : « J’ai fait une radiographie, on n’a rien vu d’anormal et on a donc conclu que j’avais un tendinite de l’épaule. J’ai pris des anti-inflammatoires, fait des séances d’ultrasons et de massage, ainsi que des exercices , mais cela ne passe toujours pas, tourner le volant de la voiture devient un calvaire ».Notre patient est un homme de 49 ans, présentant un diabète non insulino-dépendant sous contrôle depuis 2 ans. Il a déjà consulté un chiropracteur à l’Ile Maurice il y a 5 ans, l’ayant beaucoup aidé pour une névralgie en rapport avec une hernie discale cervicale. Il ne présente aucun autre antécédent particulier. Il est mène une vie sédentaire, et est employé de bureau. La douleur à son épaule est survenue brutalement, en voulant lancer une pierre il y a plus de 4 mois …
Tendinite ?L’examen clinique du patient oriente vers un souffrance de la coiffe des rotateurs. Cette « structure » correspond à un ensemble de tendons se rejoignant pour dessiner une sorte de « coiffe » située sous l’acromion (petite épaulette osseuse qui jouxte la clavicule ) . Ces tendons permettent des mouvements de rotation et d’élévation latérale de l’épaule.La notion de tendinite renvoie à l’inflammation du tendon. Alors qu’il y a encore quelques années, on pensait que cette inflammation du tendon était responsable de nombreuses douleurs tendineuses chroniques, la recherche a démontré que cela n’était pas le cas. Les tendinites surviennent à cause de micro-déchirures qui se produisent lorsque l’appareil musculo-tendineux est gravement surchargé du fait d’une traction trop lourde et /ou trop soudaine. Dans l’immense majorité des cas, ces tendinites évoluent très favorablement en 2 semaines…. Il y a donc peu de chances, que notre patient Mr K présente réellement une tendinite….Ce que la recherche a démontré, c’est qu’en cas de douleurs tendineuses chroniques, le tendon ne présente plus de caractéristique inflammatoire, mais une réelle dégénérescence du collagène qui le compose. Cette dégénerescence est évolutive, et fragilise d’avantage le tendon , pouvant conduire à sa rupture partielle ou totale. On parle alors de tendinose, ou plus généralement de tendinopathie. Il est en fait impossible de pouvoir diagnostiquer la souffrance d’un tendon (tendinose, tendinopathie calcifiante, rupture partielle ou totale, fissuration intratendineuse, etc ) sur la seule base de l’examen clinique , de l’historique du patient et d’une radiographie non contributive. Dans les conditions de notre patient, annoncer un diagnostic de « tendinite » est en ce sens totalement hasardeux !Nous avons donc réalisé une échographie de l’épaule de Mr K. L’examen a mis en évidence la présence d’une déchirure partielle mais massive du tendon du sus-épineux (60 à 70% de son épaisseur). Les études scientifiques retrouvent qu’en moyenne dans 30% des cas , les ruptures partielles (le pourcentage est d’autant plus élevé que la rupture est importante) de la coiffe des rotateurs évoluent vers une rupture transfixante (de part en part) avec un risque de rétraction plus ou moins important. En fonction du contexte para clinique (sportif, tabagique, etc…) et de l’âge du patient, une rupture complète peut nécessiter une intervention chirurgicale. A noter, que les ruptures transfixiantes ne se « réparent » jamais sans chirurgie, mais que d’un autre côté, la chirurgie n’est pas toujours indiquée. Ainsi se dessine l’histoire naturelle d’une souffrance tendineuse….
Que faire de l’épaule de Mr K ? Les facteurs de risques non mécaniques à la rupture, sont en autres : le diabète (contrôlé chez notre patient) , les dyslipidémies (cholestérol / triglycérides ) , le tabagisme, certains médicaments. Mais à la base , il y a surtout et nécessairement une surcharge mécanique sur le tendon ! Cette surcharge peut être en rapport à la forme trop agressive de l’acromion (l’épaulette osseuse évoquée plus haut) , une mauvaises posture (la recherche a démontré que les patients présentant un hypercyphose dorsale (le dos vouté) étaient les plus prédisposés aux lésions de la coiffe des rotateurs) , une mauvaise ergonomie au travail, un dysfonctionnement de la mécanique épaule . Notre approche a d’abord été fonctionnelle, en s’intéressant à améliorer le fonctionnement des différents muscles et articulations participant au mouvement et à la stabilité de l’épaule… l’idée étant de « décharger » cette partie de la coiffe des rotateurs … avant de traiter la lésion elle même.Puis , nous avons traité la zone déchirée du tendon, en cumulant 2 techniques . La première technique, dite d’électrolyse percutanée consiste à venir détruire précisément le tissus dégénéré au moyen d’un courant galvanique de faible intensité, sous guidage échographique. La seconde technique, consiste à utiliser des ondes acoustiques de haute énergie , dites « ondes de choc », après ciblage échographique afin de favoriser la vascularisation et donc la réparation de la lésion.
Huit semaines après l’examen initial, le patient présente une épaule quasi asymptomatique, sans plus aucune limitation du mouvement. Le contrôle échographique permet de constater une amélioration notable de l’échostructure du tendon, avec beaucoup moins de tissus dégénéré. Le risque de progression vers une rupture transfilante nous parait alors très diminué . Mr K termine sa prise en charge par des exercices de réhabilitation visant à améliorer le contrôle moteur de son épaule et sa mobilité articulaire, il a également bénéficié de conseils ergonomiques.Pour conclure, il faut garder en tête que le diagnostic de « tendinite » est souvent utilisé à mauvais escient. La pathologie tendineuse en particulier chronique, est très variée , elle nécessite un diagnostic aussi précis que possible et un suivi spécifique !