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  • Dans un précédent article, nous avons expliqué le concept de « Neurotag douloureux » en prenant l’exemple des coureurs de trail.

    Il arrive, fréquemment , qu’en l’absence de lésion ou lorsqu’une lésion (ex une déchirure, une entorse, etc) a totalement cicatrisé, la douleur ressentie par le patient persiste voire s’amplifie. L’explication n’est alors pas au niveau périphérique mais bien au niveau central (comprendre ces notions en relisant l’article précédent) , nous parlons alors de facilitation centrale.

    Cette facilitation centrale, revient à dire que le système d’alarme, le neurotag situé dans le cerveau est dans un état sensibilisé. IL peut se déclencher pour la moindre raison, qui normalement est insignifiante. Ceci aura bien sur des conséquences sur le ressenti de la douleur mais affectera également l’ensemble des zones cérébrales interconnectées (émotions, mémoires, mouvements, etc). Lorsque cet état de sensibilisation s’installe dans le temps, cela a des conséquences sur d’autres systèmes, :

    1. Le système sympathique (système qui permet de fuir face á un danger) avec la libération d’adrénaline va renforcer l’état de sensibilisation à la fois au niveau périphérique et au niveau central.
    2. Le système endocrinien avec notamment l’augmentation du taux de cortisol, qui est une hormone ralentissant les processus de cicatrisation (ces processus ne répondent pas à un exigence de danger immédiat) mais qui va aussi avoir un impact psychologique (depression, perte de libido, perte de mémoire etc …).
    3. Le système immunitaire, l’adrénaline et le cortisol, vont entre autre permettre la libération de cytokines pro-inflammatoires qui vont à leur tour augmenter la sensibilisation du système nerveux au niveau périphérique et central, renforcer le ressenti de la douleur et même permettre l’excitation d’autres zones cérébrales que la zone initialement en alerte.  Par ex un patient avec une douleur cervicale droite chronique ayant une lésion objective à droite, pourra par l’emballement de tous ces systèmes, présenter également une douleur cervicale gauche.
    4. Enfin le système moteur est mis en alerte , les muscles et notamment les muscles longs et superficiels sont activés pour permettre la fuite face au danger (supposé ou réel). Le problème est que leur contraction sur le long terme, va rendre ces muscles douloureux et renforcer l’état de sensibilisation ambiant. Leur contraction « chronique » exercera une contrainte supplémentaire sur les articulations, d’autant que le schéma moteur (le logiciel permettant d’activer les muscles) sera perturbé .  D’autres muscles (plus petits et plus profonds) seront « désactivés ».

    L’état de facilitation centrale de la douleur est un véritable cercle vicieux, qui se renforcera par toute sorte de mécanismes cognitifs favorisant une mise en état d’alerte du système nerveux. Il faut donc tout faire pour éviter les croyances et les pensées négatives, d’autant qu’elles sont infondées dans bien des douleurs chroniques …

    Le problème est que ces pensées « virales » peuvent être transmises par les professionnels de santé eux mêmes  ! Les exemples de petites phrases virales sont légion :

    • « Chère madame vu les résultats de mon examen , vous aurez besoin d’au moins  20 séances de manipulation pour pouvoir espérer vous en sortir. »….. vous en concluez légitimement que votre cas est plutôt grave …
    • « Tout vient de votre bassin qui est de travers, de là tout se coince ! » ….. l’idée que votre charpente soit de travers est plutôt inquiétante …. pire encore …vous pouvez vous dire, que si après les manipulations censées remettre le bassin droit , vous avez toujours mal … c’est que vous êtes franchement tordu et que l ‘avenir s’engage très mal .
    • « Mon petit monsieur, à la vue de cet IRM …. il va falloir vous opérer…. sinon vous finirez dans une chaise roulante  » … ca y est , vous êtes officiellement sur une pente dont l’issue est fatale ….
    •  » Madame, on ne trouve rien de concret sur les images prescrites, c’est dans votre tête , prenez ces anti-inflammatoires quand vous avez mal, on ne peut rien faire d’autre » ….. vous vous dites alors, qu’on vous prend pour un affabulateur à qui on propose comme unique horizon,  un traitement palliatif pour le restant de ses jours …
    • « Attention madame, votre IRM démontre la présence d’une hernie discale (cf notre article sur la banalité de la hernie ) … surtout ne vous faites pas manipuler, et surtout ne faites aucun effort, économisez vous, restez au lit le plus longtemps possible le temps que ca passe » ….. Vais-je rester diminuée toute ma vie ? Le risque de bouger à l’air très sérieux et je n’ai pas envie que mon cas se dégrade …

    Il est démontré scientifiquement que ces pensées virales , d’autant qu’elles sont transmises par les professionnels de santé, ne font qu’empirer la situation, en favorisant le phénomène de facilitation centrale.

    Les pensées virales que vous allez vous mêmes produire , ex :

    • J’ai toujours mal donc j’ai quelque chose de grave qui m’arrive 
    • Je préfère rester à la maison et ne rien faire, pour ne pas que mon problème s’aggrave
    • Même s’ils n’arrivent pas à trouver ce que j’ai avec leur IRM et leur Scanner, ca doit être quelque chose de grave pour faire mal aussi longtemps … 
    • On peut envoyer un homme sur la lune, pourquoi personne n’arrive à me guérir ? 
    • Tant que j’aurai mal, je ne ferai aucun effort
    • ….

    Comme expliqué précédemment, ces pensées virales vont mettre votre cerveau en « état » d’alerte, et favoriser la facilitation centrale.

    Outre la persistance de la douleur au delà du délai de cicatrisation normal du tissu, les signes qui peuvent indiquer que vous avez développé un mécanisme de facilitation centrale sont :

    • Une impression que la douleur s’aggrave.  Augmenter le ressenti de la douleur, est la meilleure stratégie choisie par votre cerveau pour entretenir cet état de mis en alerte.
    • Une impression que la douleur s’étend .  Il n’y a pas de frontière au niveau du système nerveux, de sorte que la mise en état d’alerte peut s’étendre à d’autres zones que la zone initialement lésée.
    • Une impression que des mouvements même insignifiants peuvent déclencher une douleur. Lorsque cet état de sensibilisation s’installe d’avantage, le fait même d’imaginer un mouvement ou une situation peut devenir douloureux !
    • La douleur ne devient plus prévisible. Vous pouvez un jour faire du jardinage , et votre dos vous laisse totalement tranquille , alors que le lendemain pour la même activité vous pouvez rester cloué au lit.
    • La douleur varie en fonction de votre état émotionnel et de vos pensées. Un mauvais jour ou rien ne se passe comme prévu, vous avez une fuite dans la cuisine, vous n’avez rien envie de faire et hate que la journée se termine … la douleur pourra se faire ressentir d’avantage. Et au contraire, un jour ou vous être heureux, occupé , enthousiasmé par votre journée,  la douleur pourra se faire oublier.
    • La douleur est mise en rapport avec des menaces passées, actuelles ou à venir. Un événement traumatisant passé, peut contribuer à faciliter cet état de sensibilisation à la douleur.

    En cas de douleur chronique, il est donc très important d’intégrer la notion que cette  douleur n’est pas proportionnelle à l’importance d’une « lésion ». Cette prise de conscience est la condition sine qua non à la désensibilisation de vote système nerveux. Votre chiropracteur ou le professionnel de santé qui vous prend en charge , s’appliquera à désensibiliser votre système nerveux tant au niveau périphérique que central.  Néanmoins, la gestion des composantes psychologiques, émotionnelles et sociales de votre douleur, sont de votre ressort.

    Une fois cela intégré, il vous faudra vous réadapter à l ‘effort de manière très progressive. Il ne faut pas laisser la douleur vous diriger, dans le sens ou si une activité ou un mouvement (ex marcher) entraine des douleurs, cela ne doit vous conduire à ne plus vouloir bouger.   Mais il ne faut pas non plus, rentrer dans une sorte de « lutte » avec la douleur en forçant au delà du soutenable, car dans ces 2 situations c’est toujours la douleur qui guide votre comportement et le « neurotag » se renforce d’avantage. La réadaptation doit être progressive, la rehabilitation y joue un rôle majeur, en cherchant à améliorer votre schéma moteur. Pour l’exemple de la marche, il faudra par ex, établir un plan progressif, sachant que 5 minutes vous semble être votre limite à ne pas franchir, commencez par un 4 minutes 30 sur un sol plat, augmentez progressivement le temps, la pente, etc …. tout en vous « déconditionnant », prenez plaisir à réaliser à nouveau cette activité. Par ex, écoutez de la musique pendant la marche (cela va distraire votre système nerveux en état d’alerte ) , visualisez une marche non douloureuse lorsque vous être au repos, marchez avec des personnes positives et entrainantes.  La méditation peut également aider à diminuer cet état d’alerte dans lequel se maintient votre système nerveux. IL va vous falloir nécessairement vous accorder du temps ! Cela sera l’occasion , dans un prochain article, de vous parler d’un nouveau phénomène qui fait fureur actuellement aux USA …. applicable aux patients chroniques !